Pour les producteurs italiens de vins effervescents, ce n’est pas peu dire que la presse anglaise mente comme un arracheur de dents. Baissant de 7 % sur le premier semestre 2018, les expéditions de prosecco vers le Royaume Uni mettent fin à dix années de croissance sur leur premier marché export. Sachant que « plus d’une bouteille sur quatre de Prosecco consommée à l’étranger l’est en Angleterre » on comprend que ce revirement soit pris au sérieux par Coldiretti (la Confédération Italienne des Cultivateurs Directs).
Dans un communiqué, l’association italienne estime que les tensions commerciales liées au Brexit (notamment en termes de taux de changes) ne peuvent pas expliquer à elles seules ce repli soudain. Ce qui reste en travers de la gorge de Coldiretti, c’est la mauvaise presse dont a souffert le prosecco, dont la consommation a été accusée d’abîmer l’émail des dents. « Des fake news nationalistes destinées à discréditer les bulles italiennes » juge la confédération transalpine, balayant les risques liés à la pétillance, à l’acidité et aux sucres résiduels de ces vins.
Parus tout le long du second semestre 2017, des cocktails d’été aux célébrations hivernales, des articles de mis en garde contre la « consommation excessive de Prosecco » afin de protéger ses dents ont fleuri. Du « sauver vos dents et six autres raisons pour laisser tomber le Prosecco » du Guardian au « des photos choquantes révèlent comment le Prosecco peut pourrir vos dents et les tourner en poudre comparable à de la craie » du Sun, les tabloïds n’ont pas fait dans la dentelle. Allant jusqu’au coup de grâce : « trop de quoique ce soit est mauvais, mais trop de Champagne est juste bon » pose l’Independent, citant l’écrivain américain F. Scott Fitzgerald.
Face à cette vague anti-Prosecco, la réponse italienne est aussi venue du ministre de l’agriculture, Maurizio Martina, qui a interpellé les médias anglais sur Twitter : « dîtes la vérité, le Prosecco fait aussi sourire les Anglais ! Arrêtez les fake news, s’il vous plaît. » Pour les vignerons italiens, cet assaut en règle répond à une volonté anglaise de favoriser la production de son vignoble national, en pleine structuration de son offre de vins effervescents.
Malgré l’incertitude du Brexit et les attaques des tabloïds, les producteurs de Prosecco restent confiants et comptent renouer avec la croissance sur leur premier marché export. Pour les vendanges 2018, le consortium du Prosecco vise une hausse de 12 % de la production, à 3,7 millions d’hectolitres rapporte le DrinksBusiness. Ce qui témoigne autant d’un retour à la normale après le gel et la sécheresse de 2017, que d’une volonté de développement, le projet de production de Prosecco rosé étant toujours à l’ordre du jour pour 2019. Pour les producteurs italiens, le marché anglais est toujours à croquer à pleines dents.
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